Penser, construire et accompagner la mobilité d’une activité sédentaire

par Oriane Hommet | BAM - Agitateur de mobilité | Février 2023


Il y a quelques mois, une demande singulière de la Maison des Familles de Bordeaux (MdF), sonne sur le téléphone de BAM.

Initialement, l’association installée dans la rue Kléber, propose et offre aux familles du quartier au sein de ses locaux, un espace d’écoute, de lien et de création de projet pour rompre leur isolement.

« Le point de départ d’un nouveau questionnement, a émergé à l’issue du premier confinement. Comment pouvait-on rompre l’isolement des familles qui n’osaient plus forcément pousser la porte de nos locaux, ou qui n’avaient jamais osé ? », nous explique alors, Marie-Do, à l'initiative de l'action.

L’idée naît alors, de proposer hors de ses murs, cet endroit pour les parents, mamans et enfants isolé.e.s. « Il fallait le mettre en mobilité là où se trouvent les gens. A l’extérieur, dans l’espace public. En y créant un contexte de rencontre convivial et fraternel. Mais comment déplacer le projet simplement, à moindre coût ? Pas facile de monter une activité mobile, quand on n'est pas des spécialistes. »

En tant qu’agitateur de mobilité, on a créé un espace de discussion, rassemblé nos outils pour réfléchir et créé un cahier des charges. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés à infuser ensemble, pour transposer cet espace de vie sociale, là où les gens se trouvent.

L’équipe de la MdF s’est alors tournée vers nous. En tant qu’agitateur de mobilité, on a créé un espace de discussion, rassemblé nos outils pour réfléchir et créé un cahier des charges. Et c’est ainsi que nous nous sommes retrouvés à infuser ensemble, pour transposer cet espace de vie sociale, là où les gens se trouvent.

Il s’agissait donc de sortir la Maison, avec un outil pratique, favorisant à la fois la confiance, la sympathie et la curiosité : le vélo était tout trouvé pour servir de socle. Le projet « Aller-retour » était lancé.

Les réflexions nous ont donc amenés à trouver un vélo cargo utilitaire permettant :

• de transporter plusieurs kilos
• plutôt un triporteur (vélos à trois roues, plus stable à petite vitesse et plus maniable qu’un biporteur par des personnes moins aguerries à la conduite d’un vélo imposant)
• peu large (pour passer la porte d’entrée de la cour intérieur qui fait moins de 88 cm et assurer un stationnement sécurisé)
• dont la modularité des rangements permettaient de faire des activités sur-mesure (pour devenir successivement : un triporteur logistique, un stand de rue, un vélo café, un théâtre de marionnettes
• et évidemment ... pas trop cher !

Il n’existait rien de tel sur le marché.

"Nous [BAM] souhaitions proposer plus qu’un accompagnement technique mais aussi accompagnement humain jusqu’à la naissance d’un projet intégré et pérenne."

Nous avons alors travaillé conjointement avec Marie-do, Karine et leurs bénévoles, pour créer un vélo « pop-up » et ainsi permettre à l’association d’aller à la rencontre de ses bénéficiaires. Surtout, nous souhaitions proposer plus qu’un accompagnement technique mais aussi accompagnement humain jusqu’à la naissance d’un projet intégré et pérenne. Humain, car il a fallu prendre en compte les spécificités d’une équipe composée de bénévoles avec différents degrés de conduite du vélo et imaginer la prise en main. Humain, parce qu’il nous a tenu à cœur aussi d’imaginer le suivi : les réparations, la maintenance, l’entretien, l’autonomie de l’équipe face à son nouvel outil ...

Après quelques recherches, des discussions et des comparaisons, le triporteur idéal, mais « nu » (sans caisson de transport) arrivait à Bordeaux. Ne restait plus (presque) qu’à dessiner et concevoir le caisson sur-mesure.

Puis, vient un premier échange avec l’un de nos partenaires : Jean Fourche (assembleur de vélos bordelais) qui nous accueille et nous fait une place dans son atelier pour concevoir le vélo. Après deux semaines de travail de découpe du bois et d’assemblage, le vélo est prêt à changer de mains.

En ce début février, c’est la nouvelle coordinatrice , Virginie, qui réceptionne le nouveau véhicule. Florian, notre concepteur sur le projet, assure la prise en main, durant une matinée entière, prend le temps d’expliquer la maniabilité, de la faire éprouver, d’essayer avec, puis sans assistance électrique, etc.

Mais, conduire un vélo utilitaire nécessite une formation complète, pour une néophyte et comme tout est une chaîne de coopérations (c’est la base de notre ADN), nous donnons la main à présent, à nos confrères de Vélo-Cité pour assurer une séance de formation à Virginie qui aura besoin de toute l’expertise de leurs professeurs pour apprendre ces mêmes mouvements, ces mêmes manœuvres, en milieu urbain. Pour comprendre les spécificités de la conduite d’un vélo cargo en ville, les risques à éviter, les codes à adopter sur les différents aménagements, le partage de l’espace...

Le début de l’aventure continue.

Pour conclure, on aimerait dire qu’on mise beaucoup sur l’innovation technologique pour répondre aux besoins des entreprises et des activités en ville. Et c’est nécessaire, du moins en partie. Mais accompagner le changement, c’est un système. C’est aussi faire preuve d’innovation sociale, être ingénieux en composant avec l’existant, en l’adaptant et en travaillant avec les ressources allouées en partage. Et surtout apporter un accompagnement humain, coopérer en travaillant ensemble pour co-construire des solutions de long terme.


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