Une innovation de mobilité pour l’accès aux soins des enfants
par AL2B | Amicale Laïque de Bordeaux Benauge | Janvier 2024
En septembre 2023, l’AL2B recevait le 1er prix néo-aquitain de la mobilité responsable, organisé par BAM. Ce prix est venu reconnaître une innovation mise en œuvre auprès d’élèves de classes maternelles et élémentaires issus du quartier de La Benauge à Bordeaux. Cette innovation sociale consiste à accompagner des élèves à vélo à leur rendez-vous médicaux, tout au long de l’année.
Un partenariat riche, fort de sens
Le quartier de La Benauge est un territoire où se concentrent de nombreuses difficultés, mais aussi beaucoup d’initiatives de solidarité. Les pouvoirs publics y ont mis en œuvre des politiques spécifiques, notamment : des établissements scolaires bénéficiant des moyens du dispositif REP+ (Réseau d’Éducation Prioritaire), et une zone reconnue comme QPV (Quartier Politique de la Ville). En résumé, c’est un quartier contrasté, vivant, avec une population riche de diversités. Ainsi, l’AL2B, association existante depuis 1955 au sein du territoire, et qui n’en est pas à son coup d’essai en matière d’innovations, a co-construit une réponse par la création d’un service d’accompagnement aux soins à vélo long tail ou vélo rallongé (Zéphyr) ou en cyclobus à pédale (Céleste). Pourquoi ? Le constat de départ identifié et partagé par les professeurs de l’école publique du quartier, les parents et les praticiens est que pour plusieurs enfants au cours de l’année scolaire, des rendez-vous médicaux sont manqués, irréguliers, non-honorés parfois. Les trois parties prenantes sont alors convaincues de la nécessité que la communauté des adultes doit trouver une solution pour que chaque enfant accède au droit d’avoir des soins réguliers, sécurisés, porteurs de promesses de mieux être. Si la Benauge et le quartier attenant, la Bastide ne sont pas un désert médical, loin s’en faut, l’offre de soins et la demande ne correspondent pas toujours aux réalités. Ainsi, de nombreux rendez-vous sont proposés durant le temps scolaire. Les élèves sont dépendants de leurs parents pour ces accompagnements aux soins. Ces derniers ne sont pas toujours disponibles (en emploi, en formation, en démarches, en situation de fragilité). Pourtant, chacun sait que le soin précoce est porteur de promesses pour construire un avenir moins injuste . Malgré un positionnement fort et militant pour l’enfance des protagonistes du quartier, il restait des incontournables à résoudre pour que tout enfant accède aux soins. Ainsi, si chaque enfant met toute son énergie à grandir, à se construire, parfois, de l’aide est nécessaire. Cette aide s’incarne alors dans ce programme co-construit et s’appuie donc sur le suivi et l’accès aux rendez-vous récurrents auprès de praticiens de santé, le plus souvent présents sur le quartier : orthophonistes, psychologues, psychomotriciens, sont les praticiens actuellement concernés.Cette co-construction est issue en premier lieu de la volonté des parents d’élèves (largement représentés au sein du Conseil d’Administration de l’association), portée ensuite et accompagnée par les partenaires institutionnels de terrain qui ont bien compris l’intérêt de cette action innovante pour les habitants du quartier et nos enfants. Ainsi, les cheffes de projets du DSU (Développement Social Urbain), du PRE (Programme de Réussite Educative), les médecins et infirmières scolaires du Centre Médico-scolaire, les intervenants du CMPEA (Centre Médico Psychologique Enfant Adolescent), les assistants sociaux de la MDS (Maison Départementale des Solidarités), le CDSVA (Conseiller Développement Vie Associative), l’équipe ESS de Bordeaux Métropole, la déléguée Préfecture sont nos premiers interlocuteurs. En parallèle le groupe scolaire s’est positionné (un grand merci) et accepte que des rendez-vous se déroulent durant la journée de l’élève.Parole de parent : « Nous, on travaille tous les deux. Sans l’AL2B, notre fils ne serait pas allé à l’orthophoniste le vendredi. On ne peut pas s’échapper pour 45 mn, c’est pas possible, et puis c’est trop loin du travail. Donc sans l’AL2B, les progrès de notre fils seraient absents ».
D’une expérimentation vers un essaimage et un service public ?
Pour démarrer cette activité et surtout la pérenniser, l’AL2B a eu besoin de réfléchir à sa structuration et se poser la question de la création d’un temps d’emploi pour effectuer au quotidien les accompagnements. L’association n’étant plus employeuse depuis de nombreuses années (TUC et CES pour les derniers contrats de travail sur du développement d’autres innovations), alors nous avons saisi l’opportunité d’un accompagnement en DLA (Dispositif Local d’Accompagnement) porté par l’IFAID pour répondre à cette question et la traduire économiquement.
En parallèle, L’ AL2B a bénéficié d’un don de Cyclobus à pédale (type Rosalie) qu’il a fallu lourdement rénover et améliorer (clignotants, feux stop, ceintures de sécurité, moteur…) avec le concours de notre partenaire cyclo Reine Cargo, l’importateur Locavel, et le constructeur Cyclofan (Italie) : merci à eux d’avoir accepté de créer ces temps de collaboration. Nous voulions faire du réemploi, cela était possible pour Céleste, mais introuvable jusqu’à ce jour pour le vélo porteur (Yuba Kombi moteur Virevolt actuellement).
Lorsque toutes les planètes sont alignées (emplois du temps compatibles, accord de principe…), la mise en œuvre est immédiate. Pour preuve : les premiers accompagnements aux soins ont démarré le 5 septembre, alors que la rentrée était la veille.
A ce jour, ce service fonctionne depuis plus d’un an et concerne plus de 15 enfants, pour 19 rendez-vous hebdomadaires (répartis sur quatre jours). Depuis septembre 2023, 740 kilomètres ont été parcourus et en juin, nous aurons à minima parcouru 1 600 kilomètres, et zéro carbone émis .
D’autres demandes et plusieurs sollicitations issues de différentes écoles du quartier sont actuellement à l’étude.
Les enfants sont avant tout des enfants, avec leur parcours leurs promesses d’avenir. Ils sont porteurs ou non de handicap et nécessitent parfois que notre conductrice se forme précisément (ex: conduite à tenir en cas de difficulté de santé repérée et potentielle). Les accompagnements ont aussi été aussi l’occasion d’inventer de nouvelles pratiques partagées : comme le carnet de liaison entre praticien et parent, ou le fil WhatsApp pour que chaque parent soit informé en temps réel de l’accompagnement. Ce service payant est basé sur le tarif des vélos taxis (2 € le kilomètre). Les factures éditées sont réglées par les parents, et suivant leur situation sociale et financière, des co-financeurs sont à leur écoute pour les épauler. A ce jour, un tiers des familles a sollicité les services pour obtenir des aides. Ceci peut s’expliquer par les montants modiques facturés à chaque période de vacances scolaires et par le fait que les accompagnements dépassent rarement 4 kilomètres allers et retours. Vous l’avez compris, cette solution est de proximité et répond à un besoin réel dit des touts premiers kilomètres. Ce service n’est pas pris en charge par un système d’aide au déplacement issu de la CPAM (Caisse Primaire d’Assurance Maladie) ou par l’ARS (Agence Régionale de Santé). C’est un chantier à venir que de tenter de tisser un partenariat avec ces institutions. Ce nouveau service porteur de sens et de solidarité repose sur la volonté de chacun de concourir à sa mesure aux moyens nécessaires de fonctionnement (subventions, appels à projet, participation citoyenne abondée, facturation) pour permettre une pérennisation de l’action.Parole de parent : « Avant, Vanni il faisait toujours, des caprices pour aller au rendez-vous, et après pour revenir à l’école. Tu dis que tu connais pas Vanni comme ça, qu’il fait pas de caprice avec toi. Et le psychologue le dit aussi qu’il a changé. C’est fini les caprices pour y aller. »
Les élus (Mairie et Métropole de Bordeaux), les collectivités (Département, Région), l’État, nous soutiennent, et depuis peu la Fondation de France aussi, au titre de l’innovation sociale (pour trois années). Le modèle économique reste néanmoins fragile, dépendant des subventions. Et pour diminuer cette dépendance, nous cherchons sans cesse des solutions pour ne pas facturer au coût réel les transports. Nous nous prenons à rêver de conventionner sur des lignes budgétaires pluriannuelles pour développer et dupliquer notre proposition en direction d’autres écoles, d’autres quartiers. Si chacun d’entre nous pédale un peu son projet, on avancera loin. Est-ce que notre communauté d’adultes est en mesure de construire la généralisation de cette solution à l’échelle de Bordeaux ? De la Métropole ? La dupliquer sur d’autres territoires et imaginer un nouveau service public … ? On en parle ?Nous nous prenons à rêver de conventionner sur des lignes budgétaires pluriannuelles pour développer et dupliquer notre proposition en direction d’autres écoles, d’autres quartiers.
Pour l’équipe AL2B, Pascale Lavie-Tableau, administratrice bénévole, en charge de la mobilité solidaire. Contact : amicalel2b@gmail.com Site internet : http://amicalel2b.fr
Votez pour l'AL2B jusqu'au 29 février 2024 !
Dans le cadre des Budgets Participatifs 2024 organisés par le Département de la Gironde , vous avez jusqu'au 29 février pour aider l'AL2B et voter pour leur projet "On se bouge à La Benauge !" . L'objectif ? Remporter un budget de 13000€ pour s'équiper d'un nouveau vélo de transport solide et durable ; puis d'équiper en matériel informatique pour la gestion des actions de l'association.
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