ZFE, Zones à Fortes Expérimentations ?

Comme l’Écotaxe auparavant, les ZAPA (Zones d’Actions Prioritaires pour l’Air) ou les ZCR (Zones à Circulation Restreinte), la mise en place des ZFE-m (Zones à Faibles Émissions mobilité) rappelle – un peu - les déboires du Capitaine Haddock avec son célèbre sparadrap.

L’embarras, assez classique sur les sujets environnementaux ou de santé publique, tient au grand écart à opérer entre le constat brut - 40 000 décès prématurés dus aux particules fines⁽¹⁾ – et l’acceptabilité des mesures permettant de les éviter. Et l’acceptabilité, quand il s’agit de l’objet automobile, n’est pas chose aisée !

Dans un récent article « ZFE, le malaise qui monte »⁽²⁾, Olivier Razemon, journaliste au Monde passe en revue les biais des ZFE-m, de l’instauration d’un « statut définitif d’automobiliste », en passant par la mise en place de périmètres et de dérogations à géométrie variable, aboutissant à un « dispositif vicié » se concentrant sur l’objet automobile et non sa fonction.

On pourra toujours dire que la ZFE-m ne s’attaque qu’à la pollution de l’air (ce qui est déjà bien) et qu’il n’est pas de son ressort de traiter tous les problèmes liés à la voiture individuelle (congestion - encombrement de l’espace public – sédentarité - consommation de métaux rares - émission de GES, etc…) il n’empêche : à l’heure où la sobriété est mise en avant au plus haut sommet de l’État - nous incitant à « changer de paradigme » - et où des questions énergétiques complexes arrivent en tête des ventes de livre en 2022⁽³⁾… il est difficile de soutenir totalement un dispositif qui :

• Valorisera le conducteur solo d’un «tank électrique»⁽⁴⁾ de 2 tonnes
• Exclura le conducteur et les 4 passagers d’une vieille bagnole Crit’Air 5

Alors que faire ?

Quand on parcourt les « dispositifs d’accompagnement »⁽⁵⁾ prévus dans le cadre des ZFE-m, ce sont les primes au verdissement des véhicules qui dominent, dans la logique des milliards d’aides publiques à l’industrie automobile depuis 30 ans à travers Jupettes, Balladurettes et autres primes à la casse.

Pour sortir de cette logique « d’objets » - qui ne nous permet pas de changer de modèle de société - les collectivités pourront mettre en place - à la marge - des actions de type « conseil en mobilité » ou « aides aux mobilités alternatives à la voiture individuelle ».

À ce titre, le Guide pratique⁽⁶⁾ de l’Eurométropole de Strasbourg est intéressant avec :

• l’obligation de passer par une étape de conseil en mobilité pour pouvoir bénéficier des aides de l’Eurométropole
• un compte mobilité crédité jusqu’à 2 000€ auprès d’opérateurs proposant une alternative à la voiture individuelle et notamment transports en commun, locations de vélos et autopartage.

«Les ZFE-m pourraient se transformer en « Zones à Fortes Expérimentations » pour traiter la question du véhicule individuel dans sa globalité et soutenir à la fois les transports collectifs, les mobilités actives et les alternatives à la voiture-solo que sont le covoiturage et l’autopartage".  »

Les ZFE-m pourraient (devraient ?) se transformer en « Zones à Fortes Expérimentations » pour traiter la question du véhicule individuel dans sa globalité et soutenir à la fois les transports collectifs, les mobilités actives (marche et vélos) et les alternatives à la voiture-solo que sont le covoiturage et l’autopartage :

• « pôles de mobilité » regroupant, à l’entrée des ZFE-m, l’ensemble des alternatives à la voiture individuelle
• mise en place de ZIC (Zones d’Incitation au Covoiturage) sur les axes métropolitains structurants (par exemple sur Bordeaux Métropole : rocade, boulevards et axes pénétrants).
• accompagnement financier aux changements d’usages plutôt qu’aux changements d’objet
• définition d’objectif en matière d’autopartage : % de places du domaine public dédiées aux véhicules mutualisés
• et bien évidemment transfert d’une part significative de l’espace public – énorme - consacré à la voiture sur nos territoires en espaces piétons, vélos et transports collectifs

Une politique de mobilité juste pourrait consister à alléger la pénibilité de ceux « qui n’ont pas le choix » en demandant à « ceux qui peuvent » un effort. Par exemple faciliter l’accès des artisans par la démotorisation des résidents. Reste à définir les notions de choix et de capacité… Vaste programme !