La mobilité un bien commun
en co-responsabilité

par Mathieu Joerger | Chargé de mission ESS, Référent mobilité au Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine | Mars 2023

La mobilité est considérée comme un droit par les réseaux des acteurs de l’Économie Sociale et Solidaire proposant des solutions dans ce domaine. Un droit donnant accès à tous les autres droits. Beaucoup de projets défendant la mobilité pour tous sont portés par des associations et notamment des structures d’insertion par l’activité économique, pour répondre aux besoins des mobilités des populations les plus vulnérables.

" Les solutions alternatives expérimentées pour les plus vulnérables sont peut-être, les solutions de mobilité pour le plus grand nombre. "

Mais dans un contexte de plus en plus contraint par les hausses des coûts des énergies, les difficultés que vivent les populations en situation de précarité s’étendent à d’autres franges de la population et risquent de concerner demain une majorité. Les solutions alternatives expérimentées pour les plus vulnérables sont donc, peut-être, les solutions de mobilité pour le plus grand nombre. Ainsi, soutenir l’expérimentation de solutions de mobilité à la fois solidaire et durable c’est anticiper l’avenir.

Toutefois, les besoins en mobilité sont variables selon les territoires, les rythmes de vie, les compositions familiales, les moments de vie. Les évolutions sociétales nous amènent à être de plus en plus mobiles géographiquement, professionnellement voire sentimentalement.

Le philosophe Zygmunt Bauman parle de « société liquide », une société en mouvement où les liens sont de plus en plus fragiles et les situations changeantes. C’est pourquoi il n’y a pas une solution de mobilité mais des solutions pour des mobilités ; cela nécessite de proposer de multiples alternatives sur les territoires pour répondre à différents besoins si l’on veut, sortir du solisme en voiture et de ses effets sur l’environnement, éviter l’isolement, le non-recours aux droits ou encore faciliter l’insertion professionnelle.

" L’approche ESS [...] apparaît d’autant plus pertinente pour répondre à des besoins de mobilité, si l'on considère cette dernière comme un bien commun. "

L’approche ESS, de par ses principes d’ancrage territorial et de coopération, mais aussi d’utilité sociale et d’économie soutenable, apparaît d’autant plus pertinente pour répondre à des besoins de mobilité, si l'on considère cette dernière comme un bien commun, un service utile à tous autant sur le volet social, qu’environnemental et économique. La coopération entre la collectivité territoriale avec les acteurs économiques locaux et les citoyens pour assurer une ressource adaptée aux besoins du territoire, parait de plus en plus essentielle dans le champ de la mobilité tout comme pour d’autres biens essentiels.

Mettre en lien les transports publics avec les plans de déplacement des entreprises et les solutions de mobilités partagées (auto-partage, co-voiturage, auto-stop organisé) ou solidaires (garage, loueur, auto-école sociale) des acteurs de l’ESS renforce les possibles et l’adéquation des réponses aux multiples besoins.

" Une mobilité responsable signifie une action collective où tout le monde est co-responsable pour développer ou préserver des ressources utiles à tous. "

S’appuyer sur de nouveaux modèles de développement territorial comme l’économie de la fonctionnalité et de la coopération ou encore l’économie circulaire, c’est avant tout voir le territoire à partir de ses ressources qu’elles soient naturelles, matérielles, immatérielles et les mobiliser en les préservant, en les mutualisant voire en les régénérant. Une mobilité responsable signifie une action collective où tout le monde est co-responsable pour développer ou préserver des ressources utiles à tous.

En ce sens, le modèle de Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) est un véhicule juridique structurant pour associer toutes les parties prenantes et leurs moyens (financiers en devenant chacun sociétaire et/ou techniques et matériels), pour partager une stratégie d’ensemble, mutualiser et coordonner un ensemble de solutions de mobilité au service de l’intérêt collectif.

Alors pourquoi ne pas expérimenter davantage d’approches coopératives pour accélérer les transitions dans les mobilités dont les problématiques sont récurrentes depuis des décennies ?

Dans cette configuration, les solutions de mobilité proposées sont l’affaire de tous et pas seulement d’une délégation de service ou d’une initiative privée. L’ensemble des acteurs concernés travaillent ensemble dans l’objectif d’une réussite collective en assumant autant les échecs que les succès. La clé de la résilience est dans la pluralité de solutions, dans de possibles adaptations selon des contextes en évolution et, la dynamique collective et solidaire en est un ressort. Les territoires qui ont su créer cette dynamique ont toujours mieux surmonté les crises, la crise sanitaire en étant encore l’exemple.

" La mobilité symbolise le mouvement, c’est abolir les frontières et relier, la coopération aussi."

La mobilité durable évoque peut-être davantage des solutions techniques de préservation de l’environnement, alors que la mobilité responsable renvoie davantage à la responsabilité de chaque acteur, à des changements de pratiques qui ne concernent pas seulement les modes de déplacement mais aussi la manière dont on construit et dont on déploie les solutions de mobilité de demain, qui s’inscrivent dans une nouvelle vision de développement territorial plus coopératif, plus sobre, autant centré sur l’innovation sociale que technologique.

La mobilité symbolise le mouvement, c’est abolir les frontières et relier, la coopération aussi. Ainsi, la co-responsabilité pourrait être considérée comme un moteur de préservation et de développement de biens communs essentiels - la mobilité en faisant partie - à l’habitabilité des territoires.


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